mardi 5 avril 2011

N° 105 : House came turn around (Farley Jackmaster Funk, Magoria, Andy Compton, Saffron...)

Set non disponible

Comme promis de longue date, je vais vous raconter l'histoire de ce tube historique de la house music : "Love can't turn around" de FARLEY "JACKMASTER" FUNK & JESSIE SAUNDERS.
Je m'appuis ici sur la biographie de Jesse Saunders parue sous le titre "House music : the real story". Cette version des faits est corroborée par d'autres artistes majeurs de la scène house et l'on peut donc lui accorder un certain crédit.
Jesse Saunders est présenté comme l'inventeur de la house music avec le single On & on", un titre hélas sans grand intérêt.

Nous sommes en 1986. La rivalité entre deux radio DJ's, Steve Hurley et Farley Keith, plane sur Chicago. Les deux protagonistes se disputent la paternité du surnom "Jackmaster".
Steve Hurley décrète que son nouveau nom est Steve "Jackmaster" Silk alors que Farley Keith surenchérit en se proclamant Farley "Jackmaster" Funk. Une querelle dérisoire qui est symbolique de l'ambiance nauséabonde dans laquelle baigne une house music encore embryonnaire.

Peu de temps après le déclenchement des hostilités, Farley fait écouter à son ami Jesse Saunders une K7 de piges d'émissions radios locales qui contient un titre réalisé par Hurley, une sorte de remix house d'un titre anecdotique de Isaac Hayes, "I can't turn around", qui figure en fin de face B de l'album "Chocolate Chip" sorti en 1975.
Farley est déterminé à surpasser son rival en sortant sa propre version de l'idée en ne gardant que la ligne de basse et en créant une nouvelle mélodie.
Saunders ayant connu par le passé quelques embrouilles avec Hurley, il décide de suivre Farley et de collaborer au projet.
Le chanteur choisi est un certain Daryl Pandy, artiste local encore inconnu mais à la palette vocale très étendue.
Le titre, renommé "I can't turn around", est signé en avril 1986 sur le label DJ International dirigé par le peu recommandable Rocky Jones. La ligne de basse étant le seul élément emprunté à l'œuvre d'Isaac Hayes, les risques de procès sont évalués comme minimes.

L'explosion des ventes ne se fait pas attendre, le buzz se répandant rapidement à travers la communauté de DJ's locaux.
Rocky Jones signe d'ailleurs sans rechigner un chèque de 10 000 dollars à chacun des deux producteurs, juste un mois après la sortie du single.

Quelques mois plus tard, Jesse Saunders est en tournée à Londres et réalise un set dans un Virgin Megastore.
C'est avec stupeur qu'il découvre sur un écran géant la vidéo de son titre interprété par Darryl Pandy, un hit déjà plébiscité par l'émission "Top of the Pops" et signé sur London Records par Rocky Jones à son insu !
C'est une magouille ourdie par Rocky Jones, Farley et le Dj star de la radio BBC One, Pete Tong (dont on espère qu'il fut un complice involontaire).
Jesse Saunders n'est même plus crédité sur la pochette.
"Love can't turn around" sera le premier single house à entrer dans les charts anglais et atteindra la 10e place en octobre 1986.

Quant à Steve Silk Hurley, il tiendra sa revanche en janvier 1987, avec le monstrueux "Jack your body".

Le démarrage de ce set est un clin d'œil à cette histoire tout à fait représentative de tous les coups bas qui jalonnent le difficile métier de producteur.


"Devotion" de TEN CITY sorti en 1987 est l'un des accapellas les plus samplés de l'histoire. Sa première renaissance en 1991 est l'œuvre de Nomad avec "(I wanna give you) Devotion", gros hit du Skyrock Top Dance qui a même à l'époque bénéficié d'une superbe version d'un certain Joey Negro alors totalement inconnu.

J'ai découvert "Mutoid waste" de MAGORIA sur la radio Maxximum en 1991.
Cette production "Inner City-like" (comme tant d'autres) très inspirée de "Good Life" est signée par les suédois Stonebridge et JJ, eux aussi alors totalement inconnus.

C-ROCK "Rawsen" : ce qui m'a plu dans cette production allemande répétitive est le son très puissant et évolutif du gimmick du synthé, un grain qui n'est pas sans me rappeler ce fantastique joujou que fut le Pro One de Sequential Circuits (qui a servi notamment à réaliser notre remix trance de "Take it easy" de CHERRY MOON).

"Just let go" de PETRA & CO est un autre "Inner City-like" qui reprend cet accord de clavier entendu sur "Big Fun" et qui, très étrangement, a subjugué bien des producteurs alors qu'il y avait tant d'autres sons à créer facilement grâce à la puissance et la simplicité d'utilisation de samplers comme le S1000 de chez Akaï.

BLACK BOX "I don't know anybody else" : après la version tonitruante de Steve Silk, voici un remix plutôt garage signé DJ Lelewel.

SAFFRON "Circles" : cet immortel dub de Frankie Knuckles me rappelle les grandes heures de la Max Party et ses sets de DJ's internationaux.

ANDY COMPTON feat. Diviniti "In time" : retour au 21e siècle avec un titre lounge/downtempo composé par l'un des membres du groupe anglais THE RURALS et remixé par les australiens de Soulful House Experience (SHE).

LIPS feat. Bongi Mvuyana "Time is now" : cette merveille nous vient tout droit d'Afrique du Sud, pays hautement improbable en matière de soulful. La house se mondialise aussi.

D-MALICE feat. Rebecca Knight "Poison" : ce "direct-to-mp3" est un remix somptueux signé Scott Wozniak.
Vous comprenez pourquoi il est désormais crucial de s'équiper d'outils comme Virtual DJ ou Traktor puisque le vinyle est à nouveau menacé de disparition.

4 commentaires:

  1. Salut,
    Je l'ai attendu longtemps ce Love can't turn around ! Que ça fait du bien à mes oreilles d'entendre ce titre qui reste pour moi le titre House des années 80. Maintenant que tu le dis, c'est vrai que le timbre de voix est bien ce cher Daryl Pandy.

    Que me procure ce titre dès que je l'écoute ? Il me transporte dans les années 86, années où j'ai découvert la marmite House et ou j'y suis tombé les deux pieds en avant !!

    Great thanks Mister Bertrand and play it again !

    Un nouveau set dans mon Top 10...voir top 5.

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  2. Salut Eric,

    J'ai reçu ton SMS, mais ne possédant pas de smartphone, je suis peu adepte des réponses par ce canal. Désolé pour ça. Je suis plutôt "mail".

    Dans ce set, j'ai voulu présenter la source d'inspiration de ce tube historique et l'ambiance délétère qui régnait à Chicago dans ces années-là.

    A bientôt.

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  3. Merci Bertrand, une nouvelle fois, la culture que tu mets à dispo des auditeurs de la première heure ainsi que des suivants reste sans faille.
    Je campe sur mes positions lorsque je dis que le meilleur est déjà (hélas) derrière nous. Quand je découvre ce nouveau set, et que j'entends les mixes actuels (notamment tout à l'heure dans le train où un groupe de "djeuns" écoutaient à tût-tête des prods actuelles), je me dis que j'appartiens définitivement au passé.
    Maintenant, je ne gâcherai pas mon plaisir à découvrir un de ces jours de nouvelles productions qui émergeraient en prenant modèle sur la période house et dance, telles que nous les connaissions...
    Encore une fois m...e pour le 29.
    @ + !

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  4. Salut Christophe,

    longtemps moi aussi, j'ai pensé que le meilleur était derrière nous et, à force d'abnégation, j'ai fini par dénicher des tas de bons trucs house, dance et trance donc il faut encore y croire même si ce qu'on nous rabâche est un pâle reflet de l'actualité musicale.

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