dimanche 17 mai 2009

David Mancuso : "All you need is Loft" ou la Genèse du Disco

David Mancuso fait partie de cette race de DJ's d'origine italienne qui ont fondé le mouvement disco.
Investi d'une mission quasi christique, il organisera dès le milieu des années 60 des soirées privées mémorables dans son propre loft new-yorkais, offrant par la même occasion un véritable sanctuaire d'expression et de liberté aux diverses communautés opprimées.
Proposant une programmation musicale d'un éclectisme sidérant et sublimée par un sound-system d'une perfection incroyable, il influencera la carrière de DJ's de renom tels que Frankie Knuckles, David Morales, François K et Larry Levan.
Le concept originel subsiste de nos jours grâce aux "Loft parties" qu'il organise à travers le monde et à New-York. Deux compilations dédiées permettent de revivre ces moments d'anthologie.


La naissance du Loft

Né en 1944, le petit David passe les 4 premières années de sa vie à l'orphelinat avant de vivre seul avec sa mère jusqu'à ses 16 ans. C'est un enfant paisible et indépendant, une nature qui conditionnera une destinée hors du commun.

En 1965, il débarque à New-York, rejoignant les groupe pacifistes et les mouvements de défense des homosexuels. Parallèlement, il vit de son activité de brocanteur et d'antiquaire.

Il s'est établi de manière tout à fait illégale dans un loft situé dans une zone industrielle, au 647 Broadway. Les locaux étant réservés au seul usage commercial, il doit ruser pour échapper à la menace des inspecteurs municipaux (dont les contrôles peuvent intervenir de manière inopinée) en cachant son lit derrière sa batterie de cuisine.

Passionné par le son et la musique, Mancuso réalise que ce lieu immense (230 m2 et 4m de hauteur de plafond) peut se révéler être l'endroit idéal pour organiser de grandes fêtes avec ses amis.
Contournant la réglementation en avançant l'argument des "soirées privées", les fêtes peuvent s'étirer jusqu'au petit matin, mais, en contrepartie, l'alcool y est prohibé.

Mancuso ne propose donc que jus de fruits, punch, gâteaux et bonbons dans un décor digne d'une soirée d'anniversaire (ballons de baudruche et serpentins ornent par centaines le plafond ), une réminiscence des fêtes organisées dans l'orphelinat de sa petite enfance.

Le 14 février 1970, il profite de la St-Valentin pour organiser la première "Loft Party" officielle, une soirée sur invitation où les élus triés sur le volet peuvent être blacks, blancs, porto-ricains ou gays. Sans doute Mancuso contribua-t-il à l'émancipation de la communauté homosexuelle plutôt déconsidérée dans les bars et clubs publics en lui laissant toute liberté d'expression chez lui. Disco et homosexualité sont d'ailleurs étroitement liés par l'histoire.


Mancuso, un "DJ-shaman" sous influences

Très inspiré par la philosophie du gourou Timothy Leary, l'usage du LSD est un élément essentiel de son mode de vie. D'ailleurs, n'a-t-il pas intitulé cette première soirée officielle, "Love Save the Days", un code caché qui, à l'instar du fameux" Lucy in the Sky with Diamonds" des Beatles, semble ne laisser planer aucune ambiguïté. Dans une ambiance "flower power", LSD et autres drogues hallucinogènes contribuent ainsi au "bien-être" et à l'élévation d'esprit des invités.

Trônant au dessus de la piste, l'amphitryon Mancuso parvient à embarquer son monde dans un merveilleux voyage grâce à un look christique et une programmation iconoclaste.
Mixant de manière sommaire, se contentant de cross-fader les titres avec deux platines pré amplifiées, il se considère plus comme un "hôte musical" qu'un véritable DJ, n'utilisant d'ailleurs jamais le pitch control des platines et jouant les morceaux jusqu'à leur terme.


Les prémices de la Disco

La force de Mancuso réside dans l'extraordinaire minutie avec laquelle il a conçu son sound-system, privilégiant la clarté du son au détriment de la puissance.
Cette perfection inspirera le technicien qui concevra la sono du célèbre Paradise Garage. François Kevorkian, habitué des lieux, viendra souvent tester la qualité de ses mixes sur les enceintes de Mancuso.
Dans les soirées du Loft, on croise des aficionados tels que Frankie Knuckles, David Morales... et Larry Levan, bien entendu.

La programmation musicale tient véritablement d'une "tour de Babel" des styles.
Alternant rythmes tribaux africains, jazz et thèmes vaporeux propices à la méditation, Mancuso ensorcèle.

On prétend qu'il fut le premier à jouer le disque fondateur du disco, Girl you need a change of mind de Eddie Kendricks, un cool tempo de 7'30" entrecoupé de longs breaks instrumentaux.
Il est aussi celui qui dénicha en 1972 le Soul Makossa de Manu Dibango chez un petit disquaire local, créant par la suite un buzz incroyable en ville.


La création d'un pool de DJ's

Dans les 70's, les groupements de DJ's de clubs n'existent pas, les maisons de disques concentrant leurs envois de nouveautés aux seuls DJ's de radio. Le DJ de club, avec sa cinquantaine de dollars en guise de salaire pour la soirée, est considéré comme un renégat. C'est souvent à un simple grouillot que revient la tâche ingrate de passer des disques les uns après les autres.

En 1975, Mancuso décide de faire la révolution en créant un Record Pool afin que tous les DJ's de la ville puissent bénéficier gratuitement des promos au lieu de devoir les acheter avec leurs maigres deniers. Bientôt, Judy Weinstein (future manager du label Def Mix Productions) prendra en main la gestion du pool.

La même année, il décide de déménager et d'inaugurer son nouveau "loft" au 99 Prince Street, gagnant en surface et pouvant désormais accueillir environ 300 personnes.
En 1985, chassé par la pression immobilière, il doit migrer sur 3rd Street au cœur du très mal famé quartier d'Alphabet City. Il perdra alors plus de 60% de sa clientèle mais parviendra à faire subsister le concept pendant 10 ans.


En 1995, il jettera l'éponge, décidant d'organiser des "Loft parties" itinérantes à travers le monde. Épisodiquement il recrée la magie à New-York dans des salles louées pour l'occasion.

Les deux compilations The Loft qui regroupent les titres-phares de sa programmation permettent de saisir toute l'essence de ces soirées historiques.

2 commentaires:

  1. La PLAYLIST intemporelle de David Mancuso

    Stevie Wonder – AS
    Crown Height Affair – Prayer for two
    Geradine Hunt – Can’t fake the feling
    Ramona Brooks – I don’t want you back
    Atmosfear – Dancing in outter space
    D-Train – Keep On
    Nuyorican soul – The nervous track
    Eddie Kendricks – Girl you need a change of mind
    Tamiko Jones – Can’t live without your love
    Dexter Wansel – Life on Mars

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  2. Et je crois que le titre de Eddie Kendricks, avec son break un peu space, est considéré comme le premier disque de disco.

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