Set non
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Dans cette galerie marchande huppée du centre de Paris, je passais des jours tranquilles, trônant fièrement sur une étagère baignée de la lumière de quelques spots d'un blanc intense.
Un soir, quelqu'un pointa son doigt dans ma direction, une main me saisit alors et voilà que je me retrouvai serré parmi d'autres voisins d'infortune dans un sac aux relents de polyéthylène.
Après un court voyage, assis sur la banquette passager d'une voiture de sport, on m'extirpa de ma prison pour me poser à plat sur une grande table, écrasé par mes voisins comme une tranche de salami dans un sandwich cellophané.
La lumière revint enfin, mais blafarde. Celui qui m'avait désigné une heure plus tôt s'empara de moi, m'arrachant ma parure plastifiée.
Il m'extirpa de ma couverture douillette et me posa sur une étrange machine.
Je sentis comme un chatouillement dans les plis de ma chair. Un objet pointu me parcourait le ventre. Une musique rythmée retentit alors et voilà que l'étrange kidnappeur commençait à hocher de la tête comme un chien sur la plage arrière d'une vieille Peugeot 404. Dix secondes n'étaient pas passées, qu'il enleva la pointe pour la reposer brutalement quelques millimètres plus loin sur mon corps. Il recommença son geste, mais cette fois-ci l'objet contondant sursauta sur mon ventre et me griffa. Quelle brute !
M'empoignant d'une seule main, il me retourna aussitôt pour exercer le même rituel sur mon dos.
Après d'interminables secondes de souffrance, je retrouvais enfin mon enveloppe protectrice. A quoi avait servi tout ce manège ?
Bientôt, voilà qu'il me colla une étiquette blanche sur la figure ! quoi ! une étiquette qui venait souiller mon enveloppe majestueuse et scintillante ! sacrilège !
Il y inscrivit un mot étrange, "FUNK", suivi de quatre petites étoiles. Que signifiait ce code ? mon genre, mon origine ? et ces étoiles ? que représentaient-elles ? ma valeur ? mon rang ?
J'observais avec inquiétude tous mes voisins subir le même sort avant de me rejoindre, classés comme moi à la verticale sur le côté droit d'un meuble.
Le silence rompit brutalement cette ambiance sonore saccadée qui s'était installée. Ce lieu en sous-sol dans lequel j'étais prisonnier était désormais plongé dans le noir.
Trois jours et 3 nuits durant, rien ne se passa. L'endroit empestait le tabac froid et l'humidité commençait à m'envahir doucement. J'avais peur. Étais je condamné à croupir ici pour le reste de mes jours ?
Le quatrième soir se produit un événement étrange. Un bruit de pas rapides vint de l'escalier. Mon geôlier était de retour. De petites lumières, puis de grands spots virevoltant et clignotant s'allumèrent aussitôt. Une musique retentit, mais cette fois-ci l'homme pressé avait changé de rituel. Un objet recouvrant ses oreilles était vissé sur la tête. Il s'empara d'un de mes confrères, le posa prestement sur son étrange machine. Il semblait cette fois le caresser d'avant en arrière avec délicatesse.
La foule arrivait par vague, les décibels me semblaient avoir franchi un palier que je n'avais jamais connu depuis le début de mon existence, moi qui était né dans une usine californienne.
Puis ce fut mon tour. L'inquiétant objet pointu atterrit à nouveau sur mon ventre, fit marche arrière puis s'immobilisa. L'individu posa alors son index sur mon flanc. Je sentais comme un plateau tournoyer sous moi, frottant mon échine.
Il me libéra au bout de quelques secondes. La foule, levant les bras au ciel et sifflant, semblait ravie.
J'étais un vinyle des années 80, jeune et fringant. Ma gloire dura quelques mois puis on cessa de me prendre, de me manipuler et l'on me rangea à nouveau sur une étagère...pour l'éternité sans doute.